Définition : insécurité langagière

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Adami, H., & André, V. (2014). Les processus de sécurisation langagière des adultes: parcours sociaux et cursus d’apprentissage. Revue française de linguistique appliquée, 19(2), 71-83.

« Nous définissons l’insécurité langagière comme la difficulté pour un locuteur/scripteur de gérer de façon efficace les interactions verbales dans lesquelles il est engagé, d’un point de vue linguistique, interactionnel, pragmatique et social.  L’insécurité langagière n’est pas mesurable dans l’absolu mais son degré est variable en fonction des situations de communication dans lesquelles l’interactant est engagé, de ses interlocuteurs, des thèmes abordés, de l’objectif de communication et, bien sûr, de la langue ou de la variété de langue utilisée au cours de cette interaction (Hymes 1972). Concernant la capacité de gestion des interactions, elle dépend d’un certain nombre de facteurs qui ont été depuis longtemps décrits par les travaux concernant l’approche communicative en didactique des langues. Le locuteur est considéré comme plus ou moins compétent selon qu’il maîtrise les aspects linguistiques, discursifs, pragmatiques ou socioculturels de la communication. Dans le cas d’une interaction exolingue (Alber & Py 1985, 1986 ; De Pietro 1988), l’insécurité langagière dépend très fortement des aspects linguistiques puisque, dans ce cas, la langue utilisée n’est pas la langue première d’au moins l’un des interlocuteurs. L’insécurité langagière des migrants non francophones est donc un fait qui relève du problème général de la compétence de communication (Hymes 1984). En revanche, l’insécurité langagière des locuteurs engagés dans une interaction endolingue est beaucoup plus difficile à cerner, à comprendre et même à admettre. Et pourtant, si l’on reprend point par point les composantes de la compétence de communication, dont Moirand (1982) a proposé la synthèse par exemple, et qu’on utilise pour l’analyse d’interactions endolingues engageant des individus en insertion et/ou faiblement scolarisés, on peut dégager un certain nombre d’éléments précis qui peuvent nous permettre de définir la nature de cette insécurité et d’en mesurer l’étendue. Les éléments décrits par Bernstein (1975) pour définir ce qu’il entend par « code restreint » et « code élaboré » sont des bases intéressantes mais il faut y ajouter les aspects interactionnels, pragmatiques et sociaux ou sociolinguistiques qui peuvent parfois compenser l’insécurité spécifiquement linguistique. En tenant compte de ces aspects, on évite également de focaliser sur les seuls aspects codiques qui sont parfois trop réducteurs. Interagir de façon efficace, c’est comprendre et se faire comprendre, au moins sur l’essentiel ;  c’est  être  capable  d’intervenir  dans  une  interaction  en  utilisant  toutes  les ressources  à  sa  disposition  pour  co-construire  le  discours  et  le  sens,  au-delà  des  aspects purement linguistiques ; c’est savoir se décentrer en faisant les bonnes hypothèses sur ce que sait ou ne sait pas son interlocuteur ; c’est savoir utiliser les implicites de tous ordres à bon escient  et  de  façon  consciente  ;  c’est  être  capable  de  construire  un  message  cohérent  en utilisant  des  formes  linguistiques  (lexicales,  morphologiques,  syntaxiques,  discursives)  qui soient à même de faciliter l’intercompréhension sans pour autant respecter toutes les normes ou les sur-normes académiques. L’insécurité langagière concerne aussi bien l’oral que l’écrit.  A l’oral, il s’agit de l’ensemble des interactions interpersonnelles, transactionnelles, professionnelles dans lesquelles sont engagés les interlocuteurs et où sont constatés des problèmes de communication et d’intercompréhension. A l’écrit, l’insécurité langagière est un problème qui relève de l’analphabétisme, de l’analphabétisme fonctionnel ou de l’illettrisme (Besse 1995 ; Leclercq 1999).  Ces questions relèvent toutes de l’approche théorique générale dont le concept de littéraire rend compte. La littératie concerne à la fois la description et l’analyse de l’écrit dans ses dimensions sémiotique, anthropologique, historique, sociale et cognitive, à la suite des travaux fondateurs de Goody (1979, 1986, 1994, 2007), mais également l’analyse et la description des processus d’apprentissage et d’acquisition de la lecture et de l’écriture, c’est-à-dire d’appropriation de l’écrit, d’acculturation à l’écrit, par des enfants ou des adultes, natifs ou non. »

 

 

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